Comment es-tu tombé dans la restauration ?
Lorsque j’avais 16 ans, ma maman m’a dit que je devais trouver un job d’été pendant mes 3 mois de vacances. L’un de ses amis m’a alors recommandé auprès d’un restaurateur, sur une péniche à Issy les Moulineaux. Ce Monsieur m’a fait confiance. Je n’avais jamais travaillé dans la restauration et cela s’est vite vu d’ailleurs (sourires). Lors de mon premier service, j’ai inversé les couteaux et les fourchettes dans toute la salle qui comptait 300 couverts. J’ai dû tout refaire en quelques minutes avant le service et depuis, je sais que la fourchette se met à gauche ! En tout cas, dès les premières secondes, j’ai su que je voulais faire ce métier-là.
En parallèle, je voulais aussi avoir des notions de comptabilité, ma maman étant Chef de sa propre entreprise, je la voyais rentrer le soir et faire ses comptes. J’ai vite réalisé l’importance de l’aspect Finance pour mener à bien son entreprise. Du coup, j’ai fait un bac général, option comptabilité puis j’ai intégré l’école hôtelière Ferrandi. Lors de la première année, j’étais en alternance, j’ai travaillé à l’Atelier Maître Albert de Guy Savoy, une rôtisserie classique avec un univers stricte et très formateur. J’ai ensuite fait une année de césure en Angleterre, à Bedford, dans un hôtel 4* où j’ai côtoyé de nombreuses nationalités, c’était formidable et très enrichissant. Lors de ma seconde année d’étude, je suis reparti en Angleterre en stage mais à Londres cette fois. J’ai rencontré un General Manager absolument fantastique qui m’a permis de découvrir énormément de choses dans les différents services de restauration. Et enfin, lors de ma troisième et dernière année d’étude, j’ai intégré le Four Seasons Hôtel George V en qualité d’apprenti, et c’est ici que je travaille encore aujourd’hui.
Et qu’en est-il de ton parcours au George V ?
J’ai débuté au Bar Galerie (bar et brasserie de luxe de l’établissement) en tant que commis puis ½ chef de rang. Au bout de 2 ans et ½, j’ai eu envie de retrouver l‘univers du gastro qui me plaisait car je suis réellement un amoureux du produit. Alors, j’ai postulé pour être transféré au restaurant Le V, restaurant gastronomique de l’hôtel. C’est l’avantage de travailler dans ce type d’établissement où il y a de nombreuses opportunités dans différents points de vente. J’ai donc travaillé 2 ans en tant que ½ Chef de rang puis Chef de rang avec l’incontournable Monsieur Beaumard et le Chef Christian Le Squer.
« Je suis réellement un amoureux du produit »
A l’issue de ces 2 années, à nouveau, cette envie de progresser et de voir autre chose est apparue. 2 choix se sont ouverts à moi : Aller au Room Service en tant que superviseur ou aller au Stewarding en qualité d’Assistant de Direction, ce qui correspondait à être numéro 2 de ce service. Le projet du Stewarding m’intéressait vraiment et je souhaitais découvrir cette nouvelle facette de la restauration. Cette partie back office était en fait totalement inconnue pour moi. Et tout s’est accéléré puisque 6 mois plus tard, à 27 ans, mon Directeur partait et j’ai été propulsé à la tête du service.
A 27 ans, tu te retrouves à la tête d’un service d’une cinquantaine de personnes, comment est-ce qu’on vit cela ?
C’est vrai que j’étais jeune mais « challenge accepted » ! Et je l’ai fait. Et si je devais accepter encore ce poste, je le referais 10 000 fois. Je le ferais certainement différemment avec l’expérience et le recul que j’ai aujourd’hui mais oui, je l’accepterais tant c’est formateur et exceptionnel. A l‘époque, je n’avais que 6 mois d‘ancienneté dans ce service, j’ai donc dû apprendre très vite et c’est impressionnant la vitesse avec laquelle j’ai gagné en maturité.
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail aujourd’hui ?
C’est la diversité des tâches. En tant que Stewarding Manager, tu es responsable de la plonge, de l’art de la table, de son achat et de son entretien, et tu es aussi garant de l’hygiène. Alors, tu as bien sûr le côté humain qui est fondamental dans tout cela mais tu as aussi ce côté touche à tout. En effet, tu échanges régulièrement avec les RH, avec le service paye, avec les achats, la finance mais aussi avec l’ensemble des restaurants pour une multitude de projets. Au Stewarding, tu es au cœur de la restauration, tu es une aide majeure au bon fonctionnement des restaurants et souvent, on vient te voir pour que tu apportes ton support et ton expertise en soutien d’un projet. Et ça, c’est très prenant et très excitant. J’ai par exemple accompagné le service des banquets pour retravailler tout l’art de la table. C’était un projet énorme et absolument génial. Nous devions prendre en compte différents aspects : l’esthétique, la durabilité, la facilité de stockage, la qualité de la porcelaine, le côté financier, la capacité de réassort…
« Tu dois prouver qu’une nouvelle machine à laver à 150 000€ est un bon investissement et ça c’est très captivant »
Et puis, ce que j’aime aussi, c’est donner le meilleur pour mes équipes, afin qu’elles avancent et travaillent dans les meilleures conditions possibles. Par exemple, quand tu vois que certains équipements de plonge sont obsolètes, tu dois prouver qu’une nouvelle machine à laver à 150 000€ est un bon investissement et ça c’est très captivant.
Et qu’est-ce que tu aimes le moins ?
Et bien, l’inventaire ! C’est un enfer (rires). Nous gérons au Stewarding 970 références entre la porcelaine, la verrerie et l’argenterie. Cet hôtel est un énorme paquebot, il y a du matériel absolument partout avec un fonctionnement hors du commun. Même si l’organisation de cet inventaire est plutôt bien rôdée, ça nous prend environ 3 nuits complètes à compter chaque pièce, une par une.
Quelle est ta plus belle réussite professionnelle ?
Je pense à plusieurs choses mais en premier lieu à une réussite sur le plan humain. Quand j’ai pris le poste de Directeur Stewarding, j’avais besoin d’un chef d’équipe, et je tenais absolument à le recruter en interne. Il se trouve que nous avions un plongeur à ce moment-là qui avait du potentiel et je l’ai promu au poste de Chef d’équipe. Il m’a fait confiance, je l’ai accompagné et formé. Il n’avait jamais touché un ordinateur de sa vie. Il a fallu lui apprendre les bases, lui fournir les codes du luxe, du management et ce sont des choses qui ne s’apprennent pas du jour au lendemain. Mais nous avons construit entre nous une solide relation de confiance, il a mérité cette promotion et son statut aujourd’hui. Pour moi, c’est une grande victoire de lui avoir permis de se développer, de s’épanouir et de continuer encore à l’accompagner.
« Quand je pense à mes plus belles réussites, je reviens toujours à l’humain et à mes équipes »
En fait, quand je pense à mes plus belles réussites, je reviens toujours à l’humain et à mes équipes. Faire en sorte d’améliorer sans cesse leur qualité de travail, gagner en ergonomie et s’adapter en permanence pour vivre avec son temps.
A 30 ans, tu as un très joli parcours professionnel, que dirais-tu à un jeune qui démarre aujourd’hui et qui rêverait par exemple d’intégrer le George V ?
De toujours garder cette soif d’apprendre. Au départ, quand tu arrives dans une maison comme celle-ci, tu as une volonté immense et des étoiles plein les yeux. Parfois, tu peux avoir la sensation d’être arrivé au bout du chemin, d’avoir fait le tour. Mais si tu gardes cette soif d’apprendre, tu continues de découvrir, de te surpasser et tu te dis que le poste que tu occupes aujourd’hui n’est en fait qu’une étape. Je me souviens que pendant nos études, tout le monde voulait être Directeur de la Restauration. Mais une fois qu’on y est, est-ce une finalité en soi ? Cette soif d’apprendre maintient cette envie d’aller plus haut ou d’aller ailleurs tout simplement, elle continue à nous faire palpiter et nous donne l’envie de nous lever tous les matins.
Quelles sont selon toi les qualités d’un manager pour performer dans l’hôtellerie de luxe ?
Le côté humain et l’exigence.
« Tu as affaire à des clients qui sont prêts à payer chez nous entre 1 000€ et 24 000€ une nuit d’hôtel (…). Tu dois alors être à 300% pour rendre leur séjour inoubliable. »
Premièrement, l’exigence car le métier de l’hôtellerie de luxe nécessite de l’exigence et de l’excellence. Tu as affaire à des clients qui sont prêts à payer chez nous entre 1 000€ et 24 000€ une nuit d’hôtel.Tu te dois donc de donner le meilleur de toi-même pendant tout le temps de ton service. Selon le point de vente où tu travailles, le temps où tu es face au client peut varier. En Galerie par exemple, tu enchaînes en continue le petit déjeuner, le déjeuner et l’afternoon tea et au restaurant Le V, tu assures le service du déjeuner ou du dîner. Tu dois alors être à 300% pendant 3h pour rendre leur séjour inoubliable.
« Manager, c’est aussi savoir reprendre quelqu’un mais de façon appropriée et juste, pour l’accompagner, le faire progresser »
Deuxièmement, le côté humain parce que cette exigence te demande tellement et tu demandes aussi énormément aux autres. Tu as donc ce rapport très fort avec les autres et j’aime cette idée de « lead by example ». Être manager, ça peut s’apprendre mais il y a quelque chose d’inné dans le fait d’être un leader pour tes équipes. Ce que te donnent tes collaborateurs, tu dois savoir leur rendre. Juste un « merci » parfois vaut beaucoup. Manager, c’est aussi savoir reprendre quelqu’un mais de façon appropriée et juste pour l’accompagner, le faire progresser. Notre métier est fait de relations humaines, entre les collaborateurs et la clientèle, c’est ce qui le rend complexe et passionnant.
Tu travailles pour le groupe Four Seasons, reconnu pour sa qualité de service exceptionnelle, comment expliques-tu ce succès et comment cela se traduit-il concrètement ?
Four Seasons a eu la bonne idée de garder des hôtels à taille humaine, quitte parfois à ouvrir un deuxième hôtel dans la même ville, comme à New-York ou Tokyo. C’est une des clefs pour garder ce côté familial et avoir un rapport personnalisé avec nos clients. Cela est possible en faisant 50 à 60 check-in par jour, mais ça le serait beaucoup moins en en faisant 300 à 400. Tu peux prendre le temps d’accompagner chacun de tes clients en chambre, et pas besoin d’être privilégié pour avoir le droit à ce traitement. Il est le même pour tous nos clients.
« Dans chacun des hôtels Four Seasons, le client doit se sentir chez lui, être reconnu de la même façon et avoir un service de qualité exceptionnelle »
On sait que les clients ont leurs préférences d’hôtels parfois selon les villes où ils se rendent. Dans chacun des hôtels Four Seasons, le client doit se sentir chez lui, être reconnu de la même façon et avoir un service de qualité exceptionnelle, avec les spécificités de chaque culture. Être capable de faire cela pour nos clients est galvanisant et procure ce sentiment du devoir accompli.
Cette philosophie de service, comment arrivez-vous à l’inculquer à chaque nouveau collaborateur ?
Nous avons une règle d’or chez Four Seasons : Traiter les autres comme nous aimerions nous-même être traité. Cela peut sembler simple mais elle est un guide, un repère en matière de comportement et de savoir-vivre.
« Nous avons une règle d’or chez Four Seasons : Traiter les autres comme nous aimerions nous-même être traité »
Il y a un deuxième point important, et il l’est particulièrement avec les nouvelles générations, c’est le fait d’inculquer une certaine fierté de travailler pour cet hôtel-là. Les collaborateurs doivent se sentir reconnu et ils doivent aussi se reconnaître dans la philosophie de la compagnie pour laquelle ils travaillent. Les valeurs de l’entreprise doivent être partagées par les collaborateurs.
Enfin, dans une maison comme le George V, nous avons à cœur de valoriser les différences. C’est une richesse pour nous. Il y a un cadre certes, mais à l’intérieur du cadre, chacun peut exprimer son talent et sa personnalité. L’important, c’est le résultat, peu importe le chemin emprunté. C’est ainsi que je manage mon service, en laissant de la liberté à mes équipes. Il est essentiel de faire comprendre cela aux plus jeunes pour qu’ils se sentent bien, donnent le meilleur d’eux-mêmes et fournissent le service requis au moment où il le faut tout en restant eux-mêmes.
C’est quoi l’atmosphère d’un palace en temps de crise Covid ?
Il y a eu plusieurs phases en fait. D’abord, la fermeture, où on se dit : « ce n’est pas possible, cela ne peut pas nous arriver à nous, pas à cette institution qu’est le George V, qui a traversé tant d’autres crises. Pour ma part, j’ai connu les attentats du 13 novembre et de Charlie Hebdo. C’était une vraie crise, les touristes ne venaient plus mais nous l’avons traversé et sommes reparti de plus belle. Cette fois, avec la fermeture soudaine de l’hôtel, c’est encore autre chose. Ce fut un sacré coup dur.
« Les clients venaient par solidarité pour soutenir le monde de l’hôtellerie-restauration et nous disaient : ‘Tenez-bon, on est là’ »
Après, il y a eu la phase de la réouverture partielle au mois de juin. Ce fut le temps des retrouvailles avec une partie de nos clients. Nous avons en effet choisi de rouvrir le restaurant Le George qui a une clientèle locale Parisienne principalement et d’affaires. Et cette clientèle fut au rendez-vous. C’était incroyable et génial, certains clients venaient parfois par solidarité pour soutenir le monde de l’hôtellerie-restauration et nous disaient : « Tenez-bon, on est là ». On s’est rendu compte de la profondeur des relations que l’on a su créer avec nos clients depuis de longues années. Certains d’entre eux viennent 4 à 5 fois par semaine déjeuner ou dîner chez nous et toujours, nous avons maintenu cette même qualité de service et ce même niveau de professionnalisme. La réouverture de l’hôtel est arrivée quelques mois plus tard, le 22/09. C’était un moment unique ! Je me souviens du premier client que nous avons accueilli : on lui à même fait couper un ruban rouge.
« Aujourd’hui, rien n’est gagné, nous sommes bien sûr loin des taux d’occupation habituels »
Ensuite est venu le deuxième confinement où nous avons décidé cette fois de garder l’hôtel ouvert avec uniquement le Room Service pour la partie restauration puisque c’était la seule activité autorisée. Aujourd’hui, rien n’est gagné, nous sommes bien sûr loin des taux d’occupation habituels. Mais nous sommes toujours là et nous donnons le meilleur pour nos clients. La situation nous oblige à être plus flexible : il y a en effet beaucoup de réservations de dernière minute, la veille pour le lendemain et certaines fois pour le jour même. Il faut s’adapter, courir parfois… C’est dense, même avec une occupation plus faible.
Même avec un hôtel quasi vide, vous arrivez à générer de belles expériences pour vos clients ?
La plupart des clients sont conscients de la difficulté traversée par tous les hôtels et, même s’ils gardent ce niveau d’exigence élevé, ils se montrent particulièrement reconnaissants de nos efforts et du service délivré.
Nous nous devons malgré le contexte de continuer à provoquer l’effet « Wow » chez nos clients, à les surprendre par des intentions personnalisées. Ce sont peut-être grâce à des choses plus simples qu’en temps normal mais cela génère toujours de l’émotion chez nos clients. Nous avons récemment eu un couple qui fêtait son anniversaire de mariage et ne pouvait pas aller au restaurant (puisqu’ils sont fermés administrativement). D’une part, nous avons reproduit un univers de restaurant dans sa chambre lorsqu’il a commandé au Room Service et d’autre part, un univers Parisien romantique pour personnaliser son séjour.
« Nous nous devons malgré le contexte de continuer à provoquer l’effet ‘Wow’ chez nos clients, à les surprendre par des intentions personnalisées »
Tu as été nommé Hygiene Manager par le George V au début de la pandémie, qu’est-ce que cela signifie, quelles sont tes missions ?
Il faut savoir que dans certains pays, Hygiene Manager est un poste à part entière et qui fait partie de la structure classique des hôtels. Avec cette crise, le respect, déjà très strictes, des normes d’hygiène, était primordial mais surtout, il était extrêmement important que les clients comme les salariés, se sentent en sécurité en venant à l’hôtel.
Four Seasons a très tôt mis en place un protocole sanitaire pour nos hôtels. Ce programme s’appelle Lead With Care. Il nous a été envoyé et nous avons fait des séances de formation avant de reprendre notre activité. Notre travail a été de nous l’approprier en fonction de notre contexte et de notre hôtel.
La force de ces grandes sociétés est la mise à disposition d’outils via notamment une plateforme intranet ultra complète en rapport avec la Covid. Cette plateforme nous donne accès à un grand nombre d’informations, nous permet de réaliser de nombreuses formations et d’assister régulièrement à des visioconférences avec des experts des questions sanitaires.
Quelles ont été les formations mises en place pour les équipes ?
« Les équipes ont quitté l’hôtel en mars, et ça, c’était le monde d’avant (…). Nous les avons donc accompagnées pour se réapproprier leur univers de travail »
Nous avons fait énormément de formations mais avant, cela, il a fallu retrouver son univers de travail. Les équipes ont quitté l’hôtel en mars, et ça, c’était le monde d’avant. On pouvait se faire la bise, se serrer la main, partager la même table au restaurant du personnel. Aujourd’hui, cela nous semble être à des années lumières. Nous avons donc accompagné les équipes pour se réapproprier leur univers de travail, avec des sens de circulation, avec un fonctionnement totalement différent dans tous les domaines, ne serait-ce que le fonctionnement des vestiaires ! Il y a donc eu un gap à passer. Et pour cela, dès leur retour, les équipes étaient accueillies par le General Manager et la Direction, c’était une étape clé. Les employés avaient besoin de cela, de voir ces visages familiers. Puis s’en suivait une formation très complète sur le protocole sanitaire général au sein de l’hôtel. Et enfin, il y avait une formation service par service pour traiter des aspects spécifiques.
Ces formations étaient organisées par petits groupes, d’une part à cause du contexte sanitaire et d’autre part parce que c’était plus simple et plus qualitatif ainsi. Cela a donc pris un certain temps de réaccueillir les salariés. Mais c’était nécessaire d’avoir ces moments privilégiés avec ses collègues, avec son chef de service, son chef de département.
Bien évidemment, il y a encore aujourd’hui de l’accompagnement au quotidien et de la formation continue. Et en parallèle de cela, je réalise des audits internes dans chaque service selon les directives Four Seasons pour évaluer la mise en place du protocole et proposer des solutions adaptées.
Est-ce que la mise en place de ce protocole fut simple pour les équipes ?
La mise en place des mesures a été assez simple pour la restauration car nous sommes déjà sensibilisés et habitués à cela avec les normes HACCP qui font partie des bases de la restauration. Dans les autres services, comme le Housekeeping par exemple, nous avons de nombreux standards mais pas aussi régulés que ceux que nous connaissons dans les métiers de bouche. Il a donc fallu mettre en place une nouvelle méthodologie de travail.
J’ai découvert à travers ces missions tout un pan de l’hôtel que je ne connaissais pas, l’hébergement, et j’ai beaucoup appris. J’arrivais avec mon environnement restauration et j’ai dû m’adapter. De nombreuses questions se sont posées comme par exemple : Et si le client touche le rideau, comment allons-nous le désinfecter ? Alors, nous avons pour chacune d’entre elles imaginé des solutions. Nous nous sommes par exemple inspirés des petits autocollants qui sont mis sur les bocaux et qui valident le fait que le bocal n’a pas été ouvert tant que l’étiquette n’est pas déchirée. Nous installons ces stickers sur les mini bars, téléphones, tablettes électroniques. Ainsi, le client a la garantie que ces objets, considérés comme points de contacts fréquents, sont bien désinfectés.
Quel est l’impact des mesures barrières sur la relation client et qu’avez-vous imaginé pour y faire face ?
Au contact du client, certaines mesures de bases comme le port du masque, peuvent être un frein à la relation. Il a fallu apprendre à sourire différemment, à parler plus fort etc…
Aussi, nous avons choisi, dès les premiers instants de la réouverture partielle, d’augmenter la distanciation physique préconisée. Par exemple, alors que le premier protocole sanitaire demandait 1m entre chaque table, nous avons décidé de mettre en place 1m entre chaque chaise, entre deux tables différentes. C’était un choix fort mais apprécié par notre clientèle et par les salariés qui se sont toujours senti en sécurité.
Nous avons aussi assez vite fait le choix de privatiser notre salle de fitness plutôt que de limiter son utilisation à quelques clients. Ainsi, nos clients ont pu privatiser cet espace pour en profiter sereinement. Cela nous a poussé à créer deux autres salles en transformant des chambres pour offrir plus de créneaux horaires à notre clientèle.
« Nous avons ouvert, une de nos plus belles suites, le temps d’un repas, à nos clients afin qu’ils puissent profiter en exclusivité d’une vue panoramique sur tout Paris »
La situation nous a obligé à trouver de nouvelles expériences pour nos clients. Et tout le monde a participé à ces réflexions. Un jour par exemple, un membre de l’équipe technique a soumis, à notre Hôtel Manager, l’idée suivante : Puisque l’hôtel est fermé, pourquoi ne pouvons-nous pas offrir à notre clientèle la possibilité de dîner ailleurs qu’au restaurant ? C’est ainsi que nous avons ouvert (sur réservation) une de nos plus belles suites, le temps d’un repas, à nos clients afin qu’ils puissent profiter en exclusivité d’une vue panoramique sur tout Paris. Un menu spécial a été pensé pour cette expérience magique par le Chef Simone Zanoni. Le succès a tout de suite été au rendez-vous.
Au Room Service, nous offrons la possibilité d’avoir un butler afin de retrouver un service de restaurant et c’est très apprécié de nos clients. Cette expérience gastronomique sur-mesure est digne d’un restaurant étoilé mais en chambre.
« L’enjeu était de respecter ces mesures en les adaptant au côté humain et luxueux qu’exige notre travail pour continuer à offrir un service d’excellence à nos clients »
Nous avons inventé une nouvelle façon de travailler tout en préservant le confort de nos clients. Nous avons réouvert un hôtel, pas un hôpital. Il était impensable de mettre des parois de plexiglass partout, de faire mettre des surchaussures et des gants à tout le monde. Donc, l’enjeu était de respecter ces mesures en les adaptant au côté humain et luxueux qu’exige notre travail pour continuer à offrir un service d’excellence à nos clients.
Dans ton service à la plonge, y avait-il des craintes ou des difficultés particulières ?
Les quelques craintes liées à la manipulation des couverts et assiettes sales des clients ont vite été levées. En effet, comme je le disais plus haut, nous étions déjà dans le respect d’un certain nombre de normes donc l’adaptation fut assez naturelle. Et puis, en plonge, nous travaillons avec de l’eau chaude et des produits détergents, ce qui est efficace pour lutter contre le virus.
Cependant, il y a eu une phase d’adaptation sur la façon de vivre dans l’hôtel. Par exemple, au restaurant du personnel, au départ, il fallait s’asseoir en décalé pour respecter la distanciation. Puis, nous avons mis des parois de séparation pour gagner en capacité mais aussi pour plus de confort afin de pouvoir manger en face de ton collègue. Nous ne retrouverons pas le monde d’avant, ou pas de suite en tout cas, mais nous nous efforçons de conserver autant que possible certaines choses qui nous semblent essentielles.
Comment as-tu maintenu un lien avec tes équipes pendant le confinement ?
Je dois souligner le travail remarquable de mon adjoint sur ce point.
La première chose a été de communiquer mon numéro à toutes mes équipes et de rentrer les leurs dans mon répertoire personnel. Il faut savoir que la majorité des plongeurs n’a pas d’ordinateur à la maison, et que certains ne savent pas lire. Nous avons donc d’abord appelé chaque personne pour prendre des nouvelles. Avec l’équipe managériale, nous avons également organisé des apéritifs en visio.
Je me suis rendu compte du temps incroyable que cela nécessitait d’appeler chaque personne lorsque j’ai voulu refaire les plannings. Il fallait d’abord obtenir l’accord des collaborateurs puisque la reprise se faisait sur la base du volontariat. Tous étaient volontaires. Puis, comme nous avons instauré des roulements pour répartir le travail de façon équitable, je devais bien sûr expliquer le contexte et l’organisation à chacun, faire un planning prévisionnel puis reconfirmer par téléphone à l’ensemble des personnes une par une. J’ai mis environ 3 jours à temps plein pour faire mon planning de réouverture.
Par la suite, nous avons créé un groupe WhatsApp. Rappelons qu’avec le confinement, mes équipes ne s’étaient pas vu depuis 3 ou 4 mois. Ce groupe les a rapprochés en un clin d’œil. Quelques minutes seulement après sa création, il y avait une quarantaine de messages vocaux que chacun s’envoyait ! Mon adjoint et moi-même devenions fous (rires) et en même temps, il était vraiment plaisant d’entendre tout le monde raconter sa vie de confiné (rires).
« Juste après la création de ce groupe, il y avait une quarantaine de messages vocaux ! »
Aujourd’hui, après ce que nous venons de vivre, ces moyens de communication nous semblent évidents et basiques mais je n’aurais jamais imaginé cela il y a encore quelques années.
Et pour finir sur une note gourmande et joyeuse, qu’avez-vous imaginé pour célébrer les fêtes ?
Pour le réveillon du 31, notre Chef triplement étoilé, Christian Le Squer, avec l’aide de ses équipes, a proposé un menu sur-mesure et festif en livraison à domicile…
Et nous avons ouvert un peu avant les fêtes un Christmas Pop-Up où nous proposons les pâtisseries iconiques de notre Chef Pâtissier, Michael Bartocetti, et quelques flacons exceptionnels sélectionnés par Eric Beaumard, Vice-Meilleur Sommelier du Monde et Directeur du restaurant Le V.
Vous y êtes les bienvenus !